Pourquoi est-il nécessaire de connaître les découvertes de la psychanalyse pour mieux comprendre la politique ou la géopolitique? (Mise à jour 2021-04-25)

Introduction

A la lecture de certaines interprétations de la psychanalyse dans différentes cultures, il me paraît nécessaire de préciser ce que j'entends par psychanalyse. L'objet de la psychanalyse, au sens où je la définis, consiste à permettre aux personnes de prendre conscience des forces qui agissent dans l'inconscient pour les amener à prendre des décisions qui ne correspondent pas à leur situation dans le monde réel ou même n'ont aucun sens dans ce monde réel et sont en totale contradiction avec leurs intérêts. Cette prise de conscience de l'influence d'angoisses inconscientes permet d'agir en meilleure concordance avec le monde réel. Il y a opposition totale entre la psychologie qui consiste à tenter de réinsérer les gens dans le système social existant et cette approche de la psychanalyse qui cherche à révéler les forces de l'inconscient qui représentent en réalité les "effets secondaires" (désirés ou non) de l'histoire de la structure sociale en place.

Analyse

Qu'est-ce qui fait vivre le monde? Il y a des choses faciles à découvrir telles que

• La nature
• Les ressources naturelles
• Les outils, les moyens de production
• L'organisation de l'économie, c'est-à-dire de la production des biens et services ainsi que la répartition de l'accès à ceux-ci au moyen de l'argent, du système financier.

Et puis, il y a les gens, les populations : D'après Marx, les communistes et d'autres courants politiques, les populations réagissent en fonction de leurs intérêts économiques. Déjà la notion d'intérêts économiques n'est pas très bien définie. S'agit-il seulement de répondre aux besoins liés à la survie ? Alors comment expliquer le désir de posséder telle ou telle marque de voitures, d'habits, de parfums... ? Comment expliquer que des populations peuvent faire des choix qui aboutissent à la destruction de leur pays, comme en Ukraine ou lors de l'éclatement de l'URSS par exemple. Un exemple actuel serait la Grèce, voire la plupart des pays européens? Comment expliquer que des gens veulent se faire exploser au milieu de personnes qu'ils ne connaissent pas et avec lesquels ils n'ont pas eu de conflit, tout cela dans un pays où ils ne sont jamais allés auparavant ? Comment expliquer que des gens veulent sans cesse gagner plus d'argent au détriment de leur santé, de leur famille, de leurs enfants alors qu'ils en ont déjà assez pour vivre, etc...

Décrire ces comportements en les qualifiant d'un terme négatif n'explique rien. Voyons plutôt si les découvertes de la psychanalyse peuvent nous aider à améliorer notre compréhension de ces problèmes.

Expliquons de manière très simplifiée les bases de ces découvertes.

Le but de la psychanalyse est d'analyser les mécanismes à la base des motivations des gens.

Le premier moteur des motivations est évident. La faim, la soif, le froid, etc...C'est l'ensemble des motivations assurant la survie: nous allons appeler cela le « principe de survie ».

Le second l'est aussi . Il s'agit de la «sexualité» non seulement ce qui est directement lié à la reproduction de l'espèce humaine mais aussi ce qui sert de base biologique aux relations entre les personnes.

C'est ensuite que cela se complique... C'est alors que les découvertes de la psychanalyse nous permettent d'aller plus loin. Le bébé est entièrement dépendant de son entourage. Tout ce qui peut mettre en danger réel ou imaginaire sa relation avec l'entourage est source d'angoisses, particulièrement lorsque cet entourage est très limité dans la famille restreinte du modèle occidental. La relation avec l'entourage passe nécessairement par la relation avec d'autres humains. Le type de relation entre ces humains et le bébé va déjà être à l'origine de la création d'un modèle de comportement.

Mais les choses se compliquent encore car les premiers besoins du bébé sont essentiellement liés à la survie. Les besoins liés à la sexualité se développent plus tard. Chez le petit enfant, ils sont incomparablement plus faibles que les besoins liés à la survie. Cependant, il existe un lien entre affection, tendresse et besoins liés à la sexualité. Que se passe-t-il si une répression sexuelle existe, ne serait-ce que sous la forme d'absence d'affection, de tendresse ? Qui dit répression dit «action négative» sur le plan des besoins liés de près ou de loin à la survie. Réprimer un besoin lié de près ou de loin à la sexualité revient à mettre en opposition les besoins liés à la survie et les besoins liés à la sexualité. Les conséquences qui résultent de ce conflit sont une des découvertes essentielles de la psychanalyse. Sans aller trop loin dans les détails, il faut savoir que comme les besoins liés à la sexualité ont une source biologique, la répression ne les fait pas disparaître réellement, elle crée un mécanisme qui les fait seulement disparaître du champ de la conscience, c'est la création de l'inconscient. Une des conséquences découvertes par la psychanalyse est le déplacement de l'expression de ces besoins biologiques vers l'expression de désirs compatibles avec l'environnement social (par exemple posséder un tel type de voiture, ou un tel type d'habillement...). Ce phénomène s'amplifie et s'accompagne de la création d'une angoisse de plus en plus forte dont l'origine est inconsciente. Ces mécanismes sont très différents chez les hommes et les femmes, la psychanalyse explique pourquoi.

Si les besoins liés à la survie sont plus ou moins identiques pour les hommes et les femmes, il n'en n'est absolument pas de même pour les besoins liés à la sexualité. Dans ce contexte, les énormes efforts déployés par les classes dirigeantes pour effacer les différences entre les deux sexes aboutissent à séparer les individus de leur biologie, dans quel but ??

Une première indication : cette séparation des individus de leur biologie associée à la non prise en compte de l'inconscient a été la base sur laquelle se sont appuyés les services occidentaux pour la réalisation des révolutions dans les pays communistes, mais aussi les "révolutions de couleur" en général. La non acceptation des découvertes de la psychanalyse par les communistes leur a coûté très cher. Un simple rappel: à la suite de la révolution anti-communiste dans l'URSS, la production y a chuté de 50 ou 60% au minimum, des dizaines de milliers d'usines importantes ont fermé leurs portes. La crise économique qui a en a résulté à causé directement ou indirectement la mort de plusieurs dizaines de millions de personnes, sans compter qu'aujourd'hui la survie de la Russie et des pays autrefois parties de l'URSS est menacée par les interventions occidentales et cela sans parler de la dislocation du tissu social dont on voit déjà clairement les effets en Ukraine, effets qui risquent de se manifester dans les autres pays ...

Pour fonctionner efficacement, l'adulte a besoin d'être capable de regarder le monde qui l'entoure sans que s'immiscent des angoisses inconscientes qui viendraient déformer sa vision du monde ainsi que les relations avec les autres. Les contraintes de la réalité matérielle (le monde extérieur matériel sous toutes ses formes) forme le principe de réalité. Le plaisir obtenu lors de la satisfaction d'un besoin lié à la survie ou à la sexualité forme le principe de plaisir . Cependant, apaiser une angoisse qui trouve son origine dans l'inconscient procure aussi un plaisir, au moins momentané... C'est la source principale de la possibilité d'un comportement déconnecté de la réalité.

Dans le cadre de cette présentation très simplifiée, on peut représenter les mécanismes en jeu de la façon suivante :

Pour l'humain, il y a le principe de plaisir pour répondre aux besoins biologiques liés à la survie ou à la sexualité (qui dépasse le cadre de la reproduction ), les angoisses inconscientes liées au conflit entre sexualité et survie. Il faut y ajouter les «réflexes conditionnés» créés par les relations entre le bébé, l'enfant et son entourage. Cela est à l'origine des motivations de l'humain.

Toutefois, cet humain se heurte au monde qui l'entoure, que ce soit le monde « social (les gens) » ou le monde matériel (le principe de réalité). Le conflit possible entre les motivations et le monde extérieur va continuer à façonner le comportement humain. Si le bébé, l'enfant, le jeune adulte se trouve essentiellement confronté à des contraintes « sociales », ce sont les émotions façonnées par ces contraintes qui vont être à l'origine de son comportement. Dans le cas où les contraintes liées aux relations avec les autres sont faibles alors que les contraintes principales sont associées à des problèmes matériels (au sens de la matière, de la nature, des techniques...) c'est alors la connaissance de ces contraintes qui sera essentiellement à la base des motivations et non les émotions. La réalité est un peu plus complexe, parce qu'il peut y avoir par exemple des contraintes sociales extrêmement fortes associées à des contraintes matérielles relativement fortes et vice versa, des contraintes sociales limitées mais associées à des contraintes matérielles quasi inexistantes. Dans les deux cas, les émotions domineront le comportement plutôt que la recherche de la connaissance du monde matériel, naturel. Toutes les variantes sont possibles.

Tout cela, me direz-vous, n'explique pas pourquoi connaître les mécanismes de base découverts par la psychanalyse serait si important au niveau de la gestion d'une collectivité, d'un pays?

Vous avez lu dans ce qui précède le mot « inconscient ». Maintenant, imaginez que la compréhension des mécanismes de base de la psychanalyse permette à des personnes travaillant au service des classes dominantes de connaître les angoisses inconscientes d'une partie importante de la population. Cela rendrait possible la création de moyens qui donneraient l'impression à cette partie de la population que telle ou telle action apaiserait ces angoisses. Cela permettrait tout simplement de manipuler les populations. Or, ces moyens existent et sont très largement employés par la publicité, le marketing, les manipulations politiques au travers des médias... Si vous voulez en savoir plus à ce sujet cherchez des informations sur Edward Bernays.

Imaginez ensuite qu'il soit possible de mettre des enfants de pays du tiers monde dans un environnement fortement contrôlé pour en faire des robots biologiques qui iront détruire l'infrastructure d'un pays «ennemi», parce qu'opposé au système occidental y compris en se faisant exploser au milieu de la populations de ce pays. Eh bien, cela existe aussi...

Vu sous cet angle, les révolutions de couleur, y compris lors de la chute de l'URSS, le Maidan Ukrainien, les guerres contre l'URSS en Afghanistan, contre la Libye, la Syrie, le «terrorisme» etc... prennent une autre signification.

Vous me direz alors que les services secrets occidentaux sont extrêmement efficaces dans leur capacité d'action. Oui et non, ils sont efficaces sur le plan des destructions causées mais n'ont certainement pas analysé les conséquences à long terme de leurs actions ni ne possèdent une connaissance en profondeur de la psychanalyse. Sinon ils auraient compris que les gains à relativement court terme obtenus se traduiront par de lourdes pertes à moyen et long termes et qu'en plus, ces actions aboutiront à la destruction complète et irréversible de leur propre société.

Pourquoi?

Parce qu'aux éléments analysés jusqu'ici il faut ajouter d'autres connaissances.

Commençons par résumer les éléments déjà étudiés.

• Le principe de plaisir (les besoins biologiques et les angoisses inconscientes)
• Le principe de réalité (le monde matériel, la nature)
• Les comportements «programmés» lors de l'enfance

A cela il manque un élément extrêmement important !

Une société même moyennement développée ne peut exister à moyen ou long terme que s'il existe une infrastructure composée des moyens de production, des voies de communication, des services de santé, un système de formation, des moyens de gestion, des ressources naturelles, etc... Cette vaste infrastructure complexe dépend avant tout des connaissances réparties dans la population et de la capacité des gens à avoir une vision du monde extérieur sans perturbation émotionnelle, de leur capacité à collaborer et donc à communiquer. L'existence d'une société n'est pas seulement liée à la présence d'un nombre plus ou moins important de personnes mais surtout à la présence des infrastructures décrites auparavant. Ces infrastructures forment ce que nous allons appeler une superstructure dont l'existence dépasse de très loin les individus. La société peut survivre si un individu disparaît, mais la survie individuelle ne serait pas longue sans l'existence de cette superstructure. L'existence de ce nouveau corps social formé par cette superstructure est totalement occultée par la culture individualiste occidentale.

Sur la base des découvertes de la psychanalyse, les manipulations des « public relations », des médias, des politiques, des dirigeants financiers ont transformé l'immense majorité des populations occidentales en «robots biologiques programmés par leurs émotions». Le langage n'est plus un moyen de partager une connaissance. Les mots sont devenus un moyen d'exprimer des émotions éventuellement totalement déconnectées de la réalité que ces mots sont théoriquement censés représenter. Très efficace pour empêcher toute révolution, toute remise en cause du système et pour amener les populations à réagir comme les classes dominantes le veulent. Par contre, la qualité des relations entre les individus s'est terriblement détériorée et donc l'échange d'informations, la capacité à agir ensemble pour développer des projets complexes et de longue durée, sans parler de l'intérêt pour le monde matériel qui a été remplacé par un monde virtuel émotionnel. Séparer les individus de leur biologie à des conséquences absolument désastreuses autant sur le plan de la dégradation des relations hommes-femmes et donc la natalité que sur le plan de la décomposition du tissu social, de la cohésion sociale mais cette dernière conséquence est certainement le but recherché, diviser pour régner est l'objectif.

Évidemment, les conséquences sont la perte de l'intérêt pour le développement des technologies, la désindustrialisation, la lutte de tous contre tous, la chute de la natalité, l'explosion des familles, l'extension de la consommation de l'alcool, des tranquillisants, de la drogue, l'argent devenu le nouveau dieu, bref la décomposition en profondeur de la société occidentale par l'intérieur, de façon quasiment irréversible et la perte complète de crédibilité des sociétés occidentales. La superstructure des sociétés occidentales se désintègre. Beau résultat !

Voilà pourquoi connaître les éléments de base de la psychanalyse est important. D'abord pour éviter de se faire manipuler ou pour se libérer de comportements programmés par la société. Mais aussi pour éviter de tirer des conclusions fausses sur une situation économique ou politique donnée et s'engager ainsi dans des actions qui ne peuvent donner les résultats escomptés voire, au contraire, aboutir à de graves problèmes comme par exemple la « révolte » du Maidan en Ukraine (population en chute libre, niveau de vie inférieur à celui de nombreux pays africains et, malgré cela, la chute n'est pas terminée...). Cette connaissance est aussi nécessaire pour analyser correctement les actions des dirigeants. Fonder une analyse géopolitique uniquement sur «une analyse objective», c'est-à-dire une analyse des conditions économiques et matérielles, risque d'aboutir à des conclusions totalement fausses à moyen ou long terme. Les dirigeants d'un pays peuvent agir suivant un ensemble d'émotions, d'angoisses inconscientes qui les mènent vers la recherche de la domination, du pouvoir plutôt que sur base d'intérêts économiques quelconques. Un exemple de cela est l'analyse totalement fausse de Staline sur les intentions des dirigeants allemands et les motivations de la population allemande avant la seconde guerre mondiale. Un autre exemple: les erreurs d'analyse des motivations des populations qui ont abouties à la chute de l'URSS. Il est fort possible que ce genre d'erreur soit à nouveau commise par les dirigeants chinois face aux actions américaines.

Les problèmes présentés dans cet article sont étudiés en détail dans mon livre "Quel futur pour l'humanité2. C'est-à-dire essentiellement l'étude de l'économie sous tous ses aspects, l'étude des motivations des populations et de l'impact sur l'évolution des sociétés en mêlant économie, psychanalyse et superstructure. On pourrait caractériser la méthode utilisée comme une approche de l'«économie psychanalytique». Des analyses géopolitiques relativement simplifiées sont présentées dans le dernier chapitre. Une partie de ces analyses est présentée dans certains articles de ce site.

CIESINT   Publié le 2018-01-29   Nombre de lectures 11867

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